Samuel Bellois
Hors incitation
Je suis hors de moi
A 300 kilomètres à l’heure, le visage tourné vers la fenêtre, assis et engoncé dans un fauteuil de deuxième classe, dans un champs puis dans un autre puis dans un autre, je suis à Paris dans moins de 30 minutes, en tricycle, en roller, en vtt, en cyclomoteur, en scooter, en moto, en voiture, en formule 1, en fusée, sur une planète, sur une comète, loin de chez moi, au cinéma en 1954 dans le château de Citizen Kane, avec mon amour et mes amis, l’oreille collée à l’écouteur, au Bengladesh, à 20h00 devant mon plateau repas, à surfer sur internet, hésitant entre haut et bas, gauche ou droite, avance rapide ou bien retour rapide, avec un journaliste sur France Info, avec mon baladeur dans la rue en présence de mes artistes et interprètes préférés, devant mon écran de portable sur le transatlantique, entre Saint Nazaire et New York, sur les vagues accoudés à la rampe d’un escalator qui monte, je suis bien dans ma peau, je suis hors de moi.
08/09/2010
En lien avec incitation (écrire avec un photo)
L’histoire derrière la porte ou Autant en emporte le porte à porte
Ici et maintenant, alternance cornélienne entre l’incipit incisif, et l’exit décisif. Au loin, en face de soi, deux portes distinctes s’entraperçoivent. Etre un passager en transit dans ce long dégagement, se mouvant vers deux issues. Presser le pas au sol, foncer, filer en vrille dans un atermoiement introspectif, en marche pour une prise de décision exacte. Un coup d’œil pour un point de vue divergent, convergeant vers d’autres perspectives, à l’affût, dans l’expectative d’une nouvelle perspective. Sans assurance, déboucher en définitive sur l’une de ces portes, en franchir une seule qui d’instinct se fermera mécaniquement. Face à ces deux portes, en face de soi, soi même, partagé, fendu, dupliqué, reproduit en deux tant que ces portes demeurent au nombre de deux. Choisir l’un de ceux-là, ceux là même qui sont moi. Un seul doit me suffire. Deux portes aux dimensions similaires, leur hauteur, épaisseur, leur couleur ; ces deux portes qui ne voilent qu’un seul et même leurre, celui de mes attentes. Aucune chance de les distinguer l’une de l’autre. Deux portes atones, impersonnelles, lambdas, basiques et surtout jumelles, munies d’un ferme-porte automatique. J’ai beau les examiner, les sonder, les interroger, je ne vois que l’ombre de mes embarras. Deux dimensions pour un exutoire, et une troisième dimension, à hauteur d’homme qui occasionne une quatrième dimension, par l’entremise de ses choix. Station debout, je pose devant en faction. Ici et maintenant, choix de l’incipit ou de l’exit, perspective en fuite, d’avant demain en avant. Souffler, respirer, insuffler, entrant, sortant, l’air fait ses allers-retours et gonfle mes poumons. Mon corps tremble de chaud, exsude ses perles glacées de sueurs. Une voix susurre dans cette boîte crânienne, « l’amour t’a faussé compagnie ». Ton ego réverbère encore dans ce couloir, martèle les murs, s’immisce en moi par l’orifice de mes oreilles. Il rebondit entre mes deux tympans. Tic, tac, tic, tac, toc, toc, toc. Personne…je sens le métal froid de la poignée sous ma paume, je pousse une porte, pénètre, disparaît de ce couloir. La porte lentement se referme, dans un lent mouvement automatique, 45 degré de trajet circulaire balaie ce long moment de doute. Dehors, dehors tous mes tourments, dehors, dehors tout le monde, dehors. J’ai mis au clou tous mes souvenirs sur les parois lisses de ces couloirs. J’ai passé le seuil de tolérance. Peu m’importe, je m’emporte, je me suis exporté.
23/09/2010
Hors incitation
Typoème / Dedans dehors oeil
29/09/2010
en lien avec incitation (n°17/écrire avec un pré-poème / le rêve que j'ai fait), proposée dans le cadre d'un atelier
Cette nuit j’ai fait un drôle de rêve
Un rêve, une trêve dans l’oubli
J’ai senti ce matin l’effervescence d’une utopie
Comme un château en Espagne à demeure sur la grève
Je suis le nègre d’un dramaturge
Voir, écrire les fantasmes paradoxaux d’un démiurge
Et j’ai rencontré l’inconscient inaltérable, mastoc comme un zébu
J’ai vu leurs yeux jaunes, leurs masses noires, leurs cornes biscornues
J’ai vu des nuages lissés par le vent, se désagrégeant du rouge, jaune au blanc incandescent
Se lovant les uns contre les autres, s’effaçant, s’accumulant, tourbillonnant
Et lavant les sols arides et volcaniques, des traces du troupeau
Qui coule, ruisselant lentement vers le bas de l’horizon en oripeau
J’ai vu des cigales, vert-pommes, fraîches, bondir, légères, aux pattes ciselées
Assis, je gouttais, j’aspirais un vent rafraîchi par l’ombre de mes cils
Humant cette atmosphère aux ardeurs cybernétique, tempérance originelle
Et électrique, clinquante et cliquetante qui dans un clic, éjacula un champignon atomique
J’ai vu dans le lointain, un homme et une femme sous une ombrelle
Et je fus cette glace crémeuse épousant sa lèvre, me diluant sous sa langue
Des strass en désastre, la trace de pas d’un homme sur la poitrine
Qui porte le rythme du vacarme vibrillonnant de milles éclairs
J’ai vu du plafond ouvert, des dollars fouettés par le vent de nos ardeurs
Sur le sol des mains appuyées à l’asphalte, toujours des dos courbés entassés
J’ai vu de mes yeux un soleil qui s’incline sous nos facéties à la santé du feu
Où glisse dans l’urne de nos égouts les voix lactées et nimbées de silence
Cette nuit j’ai fait un drôle de rêve, déstabilisateur, imitant le grondement du troupeau
Un rêve taciturne, sourd comme la colère d’un éclair avant le percuteur
J’ai senti un rêve où rien ne bouge du réel
Comme un espoir engoncé dans mes draps, je poursuis un rêve
23/11/2010