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  • Marie Evin

    en lien avec incitation (avec des photos)

    Le labyrinthe semblait ne jamais finir, chaque arrière cour donnait sur une autre cour, chaque vieille porte rouillée menait à une autre porte dégondée. Le sol était jonché de cartons amollis par les dernières averses, les murs étrécis sentaient l'urine de chat, de vieilles tôles rongées pendaient, en équilibre sur des poutrelles fragiles. Un carré de ciel impavide narguait le pèlerin fourbu. L'angoisse le faisait transpirer, la soif le taraudait et son imagination lui faisait perdre le souffle. Quand donc trouverait-il l'issue? Il pensa suivre un rat, puis se dit que le rongeur le mènerait dans les profondeurs qu'il avait tenté de fuir. Il espéra un greffier, dont les odeurs prégnantes inondaient les lieux. Mais pas un ne rôdait. Les larmes lui vinrent lorsqu'il aperçut le corbeau noir, décrire des cercles en dessous des nuages, pesant de son vol insouciant sur les limites de son corps d'homme.

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    Photographie / Corinne Le Lepvrier

    11/09/2010

    hors incitation

    Dedans c'est le chaos, tout est éparpillé. Elle dit : « Ils m'ont mise hors de moi ». Pourtant, elle est là tout entière, rassemblée dans sa colère. Ça bout, ça crépite. Dedans ça bouillonne, bouleversé, chamboulé, sans queue ni tête, ça la submerge et la fait vaciller. Et pourtant, c'est dehors aussi, ça déborde. Les cris, l'émotion, l'indignation se lisent sur ses lèvres tremblantes, sa peau rougie et brûlante. La peau n'est plus une barrière. Les mots confus qu'elle bredouille ne lui appartiennent déjà plus. D'ailleurs où sont les mots ? Là, dans la tête d'abord ? Ou dans l'émotion ? À peine pensés. Puis dans la bouche. Dedans encore, à peine. Puis là, dehors ensuite, mais si peu, dans l'air. Et puis déjà un autre les happe. Une oreille, l'esprit, ou quelque chose de plus primitif, de l'ordre de l'émotion. Juste ce qui accompagne le mot, ce qu'il y a autour, ce qu'on y met. Et déjà il est de nouveau dedans, dans l'autre. N'existant que par le sens qu'on lui donne, la couleur qu'on lui apporte; que par la nécessité de communiquer, de tenter de communiquer, d'une façon ou d'une autre. Ni dedans ni dehors, à la fois dedans et dehors.

    11/09/2010

     

    hors incitation

    Se faire du rentre dedans
    Et montrer les (2) dents
    Mettre tout le monde dehors

    11/09/2010

     

    en lien avec incitation (liste)

    Les 15 choses que j'ai hébergé longtemps en dedans de moi
    l'enfance, l'absence, la fulgurance des instants, les parfums de la lande, l'odeur des stations essence, la nuit filant derrière la vitre, l'urgence, les pierres usées, les marches de pierre usées par des millénaires de pas, les sabots de bois de Joseph, les récits de ma grand-mère, l'incertitude des jours, l'incertitude des amours, la beauté légère des matins, le poids des insomnies...

    Les 15 choses que je regarde au dehors de moi
    le sourire de l'autre, les silhouettes des arbres sur le ciel, le café qui a coulé sous la tasse, le livre écorné posé près du lit, la grâce d'un enfant qui se raconte des histoires, la fleur qui fâne sur l'appui de fenêtre, le buste qui rêve sur l'étagère, ma sandale qui glisse, la perle qui a roulé sous la table, le visage du vieil homme qui me regarde, la guêpe qui se noie dans la confiture, le cendrier plein, le fossé qui déborde, sa main sur ma main, le printemps par la fenêtre

    12/09/2010

     

    En lien avec incitation (vous êtes dedans)

    Je suis là sur ce banc de pierre, j'ai rassemblé autour de moi les cartons dépliés, un sac contenant mes maigres biens. Pourquoi appelle-t-on ça des biens ? Je les défends comme je peux de la convoitise de mes semblables. Les passants ne me voient pas, ou font semblant. Je ne leur en veux pas. Ils ne savent pas s'ils doivent me craindre ou me plaindre. En vérité, ils ne savent pas quoi faire. Certains. Les autres me méprisent. Ils passent sans me voir et pourtant je suis là. Dans leur monde et dans le mien. C'est à la fois le même et un autre. Je suis moi aussi sorti du ventre de ma mère, j'ai moi aussi été nourri, éduqué, peut-être choyé. J'ai grandi, travaillé, aimé, fanfaronné parfois. Un jour tout a basculé. Ou peut-être tout a glissé. C'est cela. C'est arrivé doucement. Mais sûrement. Comme on dit. Je n'espère plus rien. J'attends l'heure suivante. Si. J'espère cependant. Une nuit pas trop froide, une nuit où aucune main ne secouera mon épaule. Une nuit sans interruption du sommeil enfin venu, de ce temps bienvenu de l'oubli. Là, sur le banc de pierre dure, là, sous mes couches de carton, là quand enfin j'ai trouvé la position d'un équilibre provisoire. J'espère juste que la faim ne me tenaillera pas trop, j'espère juste que la dame-pipi de la gare détournera les yeux lorsque je me glisserai près des lavabos, j'espère juste que le chien errant ne reviendra pas me disputer un morceau de sandwich. J'ai fait partie du monde des passants, à présent je fais partie de leur décor. Pourtant c'est le même monde. Je suis là et je n'y ai plus accès. Je n'ai même plus la force de croire que cela peut changer. Je suis là, maintenant, je suis là, je ne veux pas penser à autre chose.

    23/09/2010

     

    En lien avec incitation (vous êtes dedans)

    Je suis terré. Je pourrais être une souris cachée au fond de son trou, attendant le départ du chat, un malade enfermé dans la chambre d'une institution, effrayé par le simple fait de vivre, un enfant roulé en boule au creux de ses draps, terrorisé par les ombres de la nuit. Je pourrais être tout cela, et encore, un homme préhistorique attendant le lever du jour, blotti dans le recoin d'une grotte, une larve d'insecte avant sa métamorphose, un morceau de pain oublié au fond de la maie, un embryon aux pensées informulées, un pied au fond de la chaussette, l'oeil larmoyant sous la paupière. Qui suis-je donc ?

    23/09/2010

     

    En lien avec incitation (vous êtes dedans)

    Je suis arrivée là par hasard, une rencontre, une autre, une rupture, une reconstruction. Je reste là parce que je reprends mon souffle, c'est une pause, une halte, un moment de répit. Et puis j'ai trouvé ma place, un peu, pourquoi pas après tout ? Cette place en vaut bien une autre, tout comme celle que vous occupez, elle n'est ni plus légitime, ni moindre que la vôtre. Pourquoi me regardez vous ainsi ? Pensez vous que je doive quitter cet endroit ? Et vous, que faites-vous ici ? Avez-vous oublié le lieu d'où vous venez ? Si je renonçais à me battre, je partirais. Puisqu'il faut toujours se battre, un peu, comme les chats qui marquent leur territoire, comme le rouge-gorge, même lui, ce petit volatile fragile, comme le chiendent et la fleur cultivée. La vie n'est qu'une lutte sans fin, entre l'usure et la force. Si ma tanière se fissure, j'ai le choix. Maçonner à nouveau ou la regarder s'effondrer. Maintenant c'est vous que j'observe, de loin. Je fuis votre arrogance et votre mépris. Mais je ne vous crains pas. Je sais qui je suis. 

    23/09/2010

     

     Pour incitation le fragment d'ecriture / Projet de réalisation de photographies // Benjamin Juhel

     

     

    Nues les peaux se touchent

    Les âmes croient se rencontrer

    Mais chacun en soi se replie

     

    Nus, les mots parfois se disent

    Le regard un instant se dévoile

    Mais seul, dedans, toujours nous serons

     

    Violemment, la nuit des corps se heurtent

    Evidemment, aussi, les idées se fréquentent

    Mais seul, sans fin, toujours nous pleurons

     

    Comme au premier jour

    Perdu dans l'immensité de soi

    Nous souhaiterions nous fondre dans l'autre

     

    Et comme aux premiers jours

    Découvrant des langages, les nôtres,

    L'illusion de l'osmose, encore, nous laisse cois

     

    07/10/2010

    en lien avec incitation (avec des images)

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    Pourquoi tourner autour du pot ?
    Entrons dans le vif du sujet
    Faisons le tour de la question
    Dégainons nos arguments
    Posons les idées sur la table
    Il faut se creuser les méninges
    Sortir des sentiers battus
    Eviter les chausse-trappes

     

     

     

    17/10/2010

    en lien avec incitation (avec des images)

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    Que serait le jour finissant
    sans la nuit enveloppant
    sans trève nos rêves

     

     

     

     

    Photographie / Corinne Le Lepvrier

    19/10/2010

     

    en lien avec incitation (avec des images)

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    Les jardins fous
    n'ont pas besoin
    de garde fou

     

     

     

    Photographie / Marie Evin

    19/10/2010

     

    en lien avec incitation (images, peintures / auto-portrait et/ou miroir)

    Autoportrait à la plume

    Dans le miroir sans tain un étranger regarde
    j'ai beau chercher je sais
    je ne le connais pas
    Là, près de l'iris, des paillettes brunes s'enlacent
    et là, près de la joue, une mèche folle s'évade

    Dans la vitrine nue une silhouette se détache
    Sombre et mouvante, fragile
    soudain elle vacille
    Là, près de sa canne, une main usée tatônne
    et là, près de son cou, l'échine un peu se courbe

    Dans le tableau devant un visage se dessine
    il m'a trouvé  je crois et j'y suis attaché
    je ne sais rien pourtant
    Là, près de la tâche, une bouche pleine s'esquisse
    Et là, près de mon âme, une certitude se glisse

    Dans la mémoire trouée des souvenirs persistent
    des mouvements des sons
    et aussi des images
    Là, près de mon coeur, des amours s'enchevêtrent
    Et là, près de mon coeur, encore et encore palpitent

    19/10/2010

     

    hors incitation

     

    Dehors le monde continue de tourner

    Dehors les étoiles depuis des millénaires brillent

    Dehors la nuit n'en finit pas de mourir

     

    Dedansnos mains ne se trouvent plus

    Dedans les enfants crient comme des fauves en cage

    Dedansnos rêves meurent à bout de pluie

     

    Dehors il ferait bon partir plus loin

    Dehors  nos jambes à nos cous nous entraînent

    Dehors la vie est grande ouverte

     

    19/10/2010

     

    en lien avec incitation (n°17/écrire avec un pré-poème / le rêve que j'ai fait), proposée dans le cadre d'un atelier

     

    Cette nuit j'ai fait un drôle de rêve

    Un rêve railleur et moqueur

    J'ai senti que je perdais pied

    Comme un vieux radeau mal ficelé

     

    Je suis parti à la voile sur une île

    Voir la vieille misère velue

    Et j'ai rencontré sur cette île, quarante pâtissiers ventrus

    J'ai vu leurs toques bien lavées

     

    J'ai vu des mères et des sœurs

    Se murmurant d'anciens émois

    Et lavant une vile rancœur

    Qui coule encore au creux du soir

     

    J'ai vu des chevaux arthritiques

    Assis au fond d'une vallée

    Humant la mer aux fils de soie

    Et se partageant des meringues

     

    J'ai vu dans leurs yeux trente villes

    Et je fus bientôt rejeté

    Des lieux de leur triste assemblée

    Qui porte comme leurs mors mille lois

     

    J'ai vu Eve comme je te vois

    Sur une valise, aux abois

    J'ai vu de mes yeux cet état

    Où glisse l'homme sans fracas

     

    Cette nuit j'ai fait un drôle de rêve

    Un rêve railleur et moqueur

    J'ai senti que je revenais

    Comme un nageur sur le rivage

    10/11/2010

     

     

    En lien avec incitation (n° 4/avec une rampe de lancement)

                 « Bien sûr, j'aurais pu foncer dehors un jour où Jerry ouvrait la porte »...

     1)      -Mais j'ai eu peur de trébucher sur les marches branlantes de la vieille véranda de bois. Et, qu'hors de lui, il ne m'attrappe et me punisse; Et qu'alors, je sois enfermé à jamais dans cette cave suintante et puante. Depuis quelques mois, Jerry m'autorise à rester quelques heures dans le salon, lorsque le quartier est vide, lorsuqe personne ne risque de frapper à la porte.

    Alors, j'ai regardé le rectangle d'or devant moi, c'était la nuit. Le réverbère inondait le petit jardin d'une lumière crue. J'ai regardé le rectangle d'or et je suis resté.

     

    2)      -Les odeurs de l'automne me chatouillaient agréablement la truffe. Je rêvais de me rouler dans ces lits de feuilles humides, mêlées de la terre gorgée des dernières pluies. Je rêvais de voir ce que cachait le bout de la rue là-bas. Je rêvais de vagabondage et de courses folles avec mes congénères. Je rêvais de croquer la lune. Et les étoiles avec. Mais, chaque jour, Jerry posait  une gamelle fumante des restes de son repas, près de la couverture, au pied du poêle. Chaque jour, Jerry trainait sa patte folle et sa solitude dans la maison délabrée, sans jamais oublier une bonnecaresse, là, juste derrière les oreilles et là encore, juste sous le museau.  Alors je suis resté. Que serait Jerry sans la compagnie de son chien ?

    20/11.2010

     

    En lien avec incitation (n°10/ anagrammes

    A Rhodes, une rosse en horde danse dans les ors de l'arène.
    Près de la herse dorée, les rênes ornés d'or, une drosse sur le dos, l'âne dose sa danse.
    L'arène a le sens de la ronde.
    Sonde les ors d'Oran.
    Nés dehors, sans odes.

    20/11/2010

     

     

     En lien avec incitation (n° 8, définition)

    Être pris par le grand dehors : Lang. pop. 1) Syn. : Être happé par la malebête. Ex. : La nuit des sept lunes rousses, tous les enfants de Mortebrune ont été pris par le grand dehors. Ils se sont levés au milieu de la nuit, dans le plus grand silence, le matin ils avaient disparuset personne ne les a jamais revus. 2) Être pris d'une irrésistible envie de sortir et d'abolir frontières, portes et limites. Autres expressions employées : Aller hurler contre le vent, péter un câble (lang. pop. arg.), fuguer, se lâcher, trouver des définitions déjantées d'expressions improbables, aller voir ailleurs si j'y suis etc.

    21/11/2010

     

     En lien avec incitation (n° 18, derrière la vitre)

    Un après-midi de la fin de l'hiver, j'ai regardé par la fenêtre. Je ne faisais rien. Je me suis arrêtée. Les aubépines avaient fleuri. Comme si elles avaient poussé  là pendant la nuit. Je n'avais pas regardé. Il y avait bien longtemps que je n'étais pas juste restée là, sans rien faire. J'avais froid, je m'étais calfeutrée. J'avais fui. J'étais occupée. Je courais, je travaillais, j'écoutais des gens, j'écrivais pour des gens, j'écoutais mes enfants, je prenais la voiture, je prenais des rendez-vous, je consultais l'agenda, j'allais aux rendez-vous, j'avais le nez dans les livres et puis aussi dans les papiers, dans les cahiers d'écolier, dans la machine à laver, dans le chariot du supermarché. J'avais oublié de regarder. Pendant tout ce temps, ce temps assoupi dans  le long hiver, la sève s'étirait dans les branches noires, les pétales se défroissaient, les mésanges se courtisaient, les graines se dépliaient, un autre monde vivait. Cet après-midi là, j'ai regardé le ciel par la fenêtre. Je l'ai trouvé beau. Indifférent à mon absence. Indulgent à mon indifférence. Il s'en foutait que je le regarde. Il était là de toutes façons. Il était là depuis longtemps, des milliers, des milliers d'années. Et ce jour là, si beau. Si lumineux, derrière les nuages sombres. Et tout était si immobile, silencieux. Blottie sous  la couverture, attentive pour une fois, je regardais c'est tout. Comme au temps de l'adolescence, lorsque tout vibre tellement, les couleurs, les émotions, les sons et les odeurs. Personne n'est passé sur la route. Les saules se balançaient mollement au dessus de l'étang. Des corbeaux fléchaient d'éclairs sombres le ciel laiteux. Je me suis dit que je devrais m'arrêter plus souvent. Juste pour regarder. Et puis je me suis levée.

    21/11/2010

     

    En lien avec incitation (n°19, récit de rêve) proposée dans le cadre d'un atelier 

     

    DANS un rêve, j'étais une algue brune détachée de son socle de pierre, ondoyant dans le courant capricieux d'un océan profond et froid.

    DEHORS était fait de bruits assourdis d'ombres et d'ondes, de sons éteints d'éclats brusques de lumière.

    Mon esprit était empli de lâcher-prise errant sans contrainte entre des eaux mouvantes.

    Une porte était ouverte, bleue vibrante, j'étais sûre de l'avoir fermée avant d'aller me coucher. Une silhouette évanescente se détachait dans le rectangle de lumière sur le palier. Elle me chuchotait un secret entre deux bulles et me faisait signe d'approcher. J'ai eu un moment d'hésitation. Est-ce que je devais me lever ? J'ai battu des paupières. Je me suis réveillée. La porte était fermée. Les ondes bleu sombre balançaient de nouveau, transparentes et calmes.

    DANS un rêve, j'étais une algue brune, libérée de ses attaches et libre, ondoyant sans but, sans désir, sans pensée.

    DEHORS était fait de couleurs, de sensations, d'effleurements, de caresses invisibles et d'échos chuchotés.

    Mon esprit était rempli de paix, de renoncement, de ne plus dire, amarres rompues, sans mot, sans volonté.

    21/11/2010

     

    en lien avec incitation (n°21, dedans-dehors)

    La pluie rebondit sur l'asphalte
    L'horloge égrène midi
    Ma main glisse caresse tes cheveux
    Demain tu seras là aussi

    26/01/2011

     

    En lien avec incitation (n°14, autour de reproductions d'Edward Hooper)

     

    index.jpgTu t'es assise sur le lit refait

    Tes bagages attendaient dans un coin de la chambre

    Ton dos était baigné de lumière

    Tu n'as pas voulu t'habiller ce matin là

    Tes pieds effleuraient un tapis vert marais

    Tes mains pendaient sur tes genous

     

     

    26/01/2011

    En lien avec incitation (n°13, franchir la frontière)

     

    Là, le flot a grossi, les remous rugissent avec fracas.

    De ce côté de la rive, l'herbe est grasse, et les pas font un bruit feutré et doux, laissant une empreinte éphèmère, le temps que les herbes drues se déploient à nouveau.

    De l'autre côté, des branches mortes roulent sur des galets, polis par le courant, gris, blancs, veinés de noir, glissants , s'entrechoquant sans cesse.

    Là, le flot mugissant interdit le passage. Il charrie quelques troncs arrachés à la forêt, de l'écume opaque, éclaboussant avec force le téméraire hésitant sur le bord.

    De ce côté, sous  le clair-obscur d'un petit bois, les bêtes se rassemblent et viennent boire.

    Là-bas, au delà des meurtrissures des  rocs éboulés, un chemin s'étire vers la vallée, jusqu'au village. Il faut passer, la nuit va venir, et le froid mordant de l'hiver. Il faut franchir ce torrent en folie, ces eaux glaciales, se mordant furieusement. 

    26/01/2011

     

     

    En lien avec incitation (n°4, rampe de lancement)

    "Alors j'ai vu vraiment le monde basculer en lui-même, se dissoudre à l'intérieur d'un dedans très sinistre, qui avalait tout en lui"...

    C'est comme si la vie avait déserté son corps. Son regard traversait les gens sans les voir et en même temps déversait un effroyable désarroi. Ses lèvres serrées se refermaient sur une colère froide et dure. Un tic agitait sa paupière au dessus de ses joues devenues grises. Dévasté, il gisait dans ce vieux fauteuil de cuir, soudain lourd et sans âge. Et ce que je redoutais le plus, finalement, c'était le moment où il sortirait de cette torpeur vertigineuse, pour affronter à nouveau le monde, car quelque chose en lui avait été avalé et détruit.

    26/01/2011

     

     

    En lien avec incitation (n°5, une situation fictionnelle)

     

    « An 2187 / Dépêche de la Gouvernance globale / Pour application immédiate / La disparition du dedans /dehors est officiellement confirmée. »

     « Par ordre de l'Omnipotent et pour mettre en conformité les pratiques constatées depuis 14 lunes, afin de vocabuler le grand chambardement spermatique initié par lesdites pratiques, ordonnons l'effacement immédiat et irrévocable du dedans et du dehors. Ordonnons le grand mélange obligatoire des nations pour  brassage linguistique et maillage des souvenirs, tissage des rêves et grand ormaillage des sensations, le détricotage insertif des barbelations incisives et l'abolition des sexes, des âges, du temps et de ses repères. »

    Cette décision, qui ne visait qu'à réprimer le chaos engendré par des pratiques issues de la rue et à reprendre le contrôle de la population, ne trompa personne. L'abolition du dedans et du dehors était une réalité depuis déjà des lunes et la Gouvernance globale ne faisait que retarder le moment où son pouvoir fantoche sombrerait à son tour dans le grand estomac affamé de  l'oubli. Les peuples se métissaient, les langages se fracassaient les uns contre les autres jusqu'à n'en devenir plus qu'un, riche et puissant, repoussant les limites des signifiants, enrichissant  les capacités de compréhension et d'expression  d'un peuple en pleine mutation. La palette permettant d'exprimer les subtilités de la pensée devenait si large qu'elle ouvrait de nouvelles voies exploratoires et les possibles généraient sans cesse d'autres possibles. L'enchevêtrement des liens et de ces nouvelles connexions se nourrissait et s'engendrait perpétuellement. Une demi-lune suffit à éteindre la prétention de l'Omnipotent à légiférer encore sur le phénomène.

    26/01/2011

    En lien avec incitation (n°25, texte troué)

    J'ai gardé tout ou presque tout
    sauf le grand cabas de mon père
    Mais le regard vairon de son chien parfois, qui se détourne du dehors
    fait refluer lourdement les échos de ses pas dans l'entrée
    quand il revenait du café bien sûr et les traînait sur le parquet,
    avec la vulgarité d'un homme titubant quelconque.
    Alors, et sans rien renier de ma filiation,
    j'ai envie de laisser dehors son chien aux yeux vairons
    et de rester tranquille et amnésique dedans,
    comme un vieux sac de toile quelconque.

    27/01/2011

    J'ai cherché dans son regard tout ou presque tout,
    sauf  le vertigineux abîme qu'il voulait protéger.
    Mais le démon tapi parfois s'insinue au dehors,
    et plonge lourdement les griffes
    au coeur de nos entrailles bien sûr et les fouille avidement,
    avec la vulgarité d'un succube quelconque.
    Alors, et sans rien dire ni donner de nouveau
    J'ai  envie de laisser dehors le secret dévoyé
    et de rester blottie et enfermée dedans,
    comme un objet abandonné, quelconque.

    27/01/2011

    J'ai dans le creux de l'âme tout ou presque tout,
    sauf le sursaut de son coeur, peut-être
    Mais le flot de ses mots parfois s'enfuit du dehors.
    Et je traîne lourdement les chaines de mon désir,
    recherchant son attachement bien sûr et les marques de son intérêt aussi,
    avec la vulgarité d'un animal quelconque.
    Alors, et sans rien laisser filtrer de mes sentiments,
    j'ai envie de laisser dehors le poids mort qui me ronge
    et de rester tapie et apaisée dedans,
    comme un esclave quelconque.

    27/01/2011

     

    Hors incitation

     

    J'ai mis le nez dehors

    Tu es dans tes rêves

    Il a été jeté dehors

     

    Nous mettons nos pas dans les pas de nos pères

    Vous pouvez aller jouer dehors

    Ils nous ont encore mis dedans

     

    J'ai mis le nez dehors

    après je l'ai perdu

    j'ai cherché encore et encore

    il n'est jamais rev' nu

    exit les odeurs, les parfums,

    l'indispensable support à lunettes

    j'ai égaré mon beau tarin

    qu'a pris la poudre d'escampette

     

    Tu es dans tes rêves

    éveille toi avant demain

    car ils s'entortillent sans trêve

    ne quitte pas lechemin

     

    Il a été jeté dehors

    à coups de pieds au derrière

    ça lui a donné de l'essor

    Pour aller prendre l'air

    Mais l'air n'est pas la chanson

    il a eu l'air vraiment c...

     

    Nous mettons nos pas dans les pas de nos pères

    ça ne nous rend pas toujours fiers

    Nous creusons si profond l'ornière

    qu'à la fin nos pères nous enterrent

     

    Vous pouvez allez jouer dehors

    Et puis crier encore plus fort

    Et aussi hurler à la mort

    Enfin, vraiment, changer de décor

    Je vous en prie faites l'effort

    Ménagez-moi un peu encore

     

    Ils nous ont encore mis dedans

    dans la mouise, dans l'embarras

    dans les ennuis et le tracas

    un cortège d'embêtements

     

    27/01/2011

     

    hors incitation

    Dans ce monde, pas de frontières, juste celles du langage, ses limites,

    Dehors, se heurter aux autres, se frotter à leurs exigences, leurs attentes, leurs caractères,

    Dans ce monde, modeler des personnages, leur inventer des vies, les laisser se détacher, se laisser emporter,

    Dehors, regarder le réveil, penser à remplir le réfrigérateur, aller chercher les enfants à l'école, mettre de l'essence dans le réservoir,

    Dans ce monde, se servir de ces expériences là, de ces émotions là, de ces frustrations là, et s'immerger à se perdre, descendre, s'enfoncer dans le souterrain de la mémoire,
    y puiser, s'y nourrir et créer, un peu, pour voir, les parfums, les goûts, les sentiments, des évènements, des couleurs, des histoires bien sûr, une histoire

    "Les abeilles bourdonnaient au-dessus des minuscules trous du sentier de la lande
    Tu fabriquais des maisons en cartons,
    Nous  remplissions la dînette de feuilles de buis et de monnaie du pape,
    le soleil exacerbait les parfums des genêts ,
    nous avions un coin secret de mousse auprès de la rivière fraîche
    Les vieilles femmes prisaient à la messe
    et Jean-Marie laissait ses sabots de bois dans le couloir,
    avant d'extirper des poches de son pantalon serré dans une ceinture de flanelle,
    quelques oeufs frais de son poulailler"

    Dans ce monde, échapper à l'autre, en fait, oublier les moments de solitude, ou les cris, ou le sentiment de médiocrité, ou le silence, ou l'absence, ou quoi que ce soit qui agite la vie, ou simplement adorer les histoires, les mots, faire vivre quelque chose, emmener quelque part, ne pas toujours savoir,

    "L'air de rien, avec son petit sourire en coin qui cachait tant de drames, elles faisait surgir de la terre des visages plein de mélancolie, souriant pour eux-mêmes, tournés vers l'intérieur, et taisait ainsi tout  ce qui écumait en elle"

    Puis un jour, y faire entrer les autres,
    partager, recevoir
    le laisser s'échapper, le faire entrer dans l'autre,
    revenir au monde ainsi

    "Les vieilles pierres chauffaient au soleil, en silence,
    les fougères se balançaient le long des fossés
    les femmes lavaient encore leur linge au lavoir parfois
    avec de grands battoirs de bois, du savon de Marseille,
    mais elle, n'allait jamais au lavoir, ne sortait jamais de chez elle,
    son linge, elle le faisait bouillir dans la lessiveuse, et frottait à la brosse à chiendent,
    l'odeur du savon  moussant dans l'eau bouillante, emplissait la cuisine, qui servait aussi de chambre."

    Des mondes se croisent, des vies se vivent en parallèles, sans jamais se soupçonner l'une l'autre,

    "Il fume des cigarettes, ne regarde pas ses mains calleuses  et grises,
    il boit un café, oublie un morceau de sucre sur la table, au milieu des miettes,
    la radio diffuse des airs de blues et dehors le vent secoue les branches chargées des pommiers"

    Des mondes se côtoient, dedans, dehors, ici, ailleurs,
    Des mondes s'entremêlent et s'entrecroisent, s'ignorent ou se dédaignent
    Ecrire c'est tisser le lien, toucher l'autre, même sans le connaître,
    Et lire, se reconnaître dans une phrase, partager une émotion qu'on n'aurait pas su nommer
    trouver un récit familier, comme une veste en laine longtemps portée, qui a fini par pocher aux coudes, avec ce petit trou juste là près de la boutonnière,
    Un chant commun sans nom, un chant commun

    18/07/2011