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    En lien avec incitation (n° 4/avec une rampe de lancement)


                 « Bien sûr, j'aurais pu foncer dehors un jour où Jerry ouvrait la porte »...

     1)      -Mais j'ai eu peur de trébucher sur les marches branlantes de la vieille véranda de bois. Et, qu'hors de lui, il ne m'attrappe et me punisse; Et qu'alors, je sois enfermé à jamais dans cette cave suintante et puante. Depuis quelques mois, Jerry m'autorise à rester quelques heures dans le salon, lorsque le quartier est vide, lorsque personne ne risque de frapper à la porte.

    Alors, j'ai regardé le rectangle d'or devant moi, c'était la nuit. Le réverbère inondait le petit jardin d'une lumière crue. J'ai regardé le rectangle d'or et je suis resté.

     

    2)      -Les odeurs de l'automne me chatouillaient agréablement la truffe. Je rêvais de me rouler dans ces lits de feuilles humides, mêlées de la terre gorgée des dernières pluies. Je rêvais de voir ce que cachait le bout de la rue là-bas. Je rêvais de vagabondage et de courses folles avec mes congénères. Je rêvais de croquer la lune. Et les étoiles avec. Mais, chaque jour, Jerry posait  une gamelle fumante des restes de son repas, près de la couverture, au pied du poêle. Chaque jour, Jerry trainait sa patte folle et sa solitude dans la maison délabrée, sans jamais oublier une bonnecaresse, là, juste derrière les oreilles et là encore, juste sous le museau.  Alors je suis resté. Que serait Jerry sans la compagnie de son chien ?

    Marie Evin

    En lien à incitation (n°10/ anagrammes

    A Rhodes, une rosse en horde danse dans les ors de l'arène.
    Près de la herse dorée, les rênes ornés d'or, une drosse sur le dos, l'âne dose sa danse.
    L'arène a le sens de la ronde.
    Sonde les ors d'Oran.
    Nés dehors, sans odes.

    Marie Evin

     

    Hors incitation

    Comme elle habite enracine jour après jour son monde mon logis

    Comme elle bâtit jour après jour les murs de son abri

    son coin du monde

    Comme elle désire jour après jour hors d'elle s’aventurer

    Comme elle ne peut jour après jour franchir le seuil se quitter

    Corinne Le Lepvrier

     

     En lien avec incitation (n° 8, définition)

    Être pris par le grand dehors : Lang. pop. 1) Syn. : Être happé par la malebête. Ex. : La nuit des sept lunes rousses, tous les enfants de Mortebrune ont été pris par le grand dehors. Ils se sont levés au milieu de la nuit, dans le plus grand silence, le matin ils avaient disparus et personne ne les a jamais revus. 2) Être pris d'une irrésistible envie de sortir et d'abolir frontières, portes et limites. Autres expressions employées : Aller hurler contre le vent, péter un câble (lang. pop. arg.), fuguer, se lâcher, trouver des définitions déjantées d'expressions improbables, aller voir ailleurs si j'y suis etc.

    Marie Evin

     

    En lien avec incitation (n° 18, derrière la vitre)

    Un après-midi de la fin de l'hiver, j'ai regardé par la fenêtre. Je ne faisais rien. Je me suis arrêtée. Les aubépines avaient fleuri. Comme si elles avaient poussé  là pendant la nuit. Je n'avais pas regardé. Il y avait bien longtemps que je n'étais pas juste restée là, sans rien faire. J'avais froid, je m'étais calfeutrée. J'avais fui. J'étais occupée. Je courais, je travaillais, j'écoutais des gens, j'écrivais pour des gens, j'écoutais mes enfants, je prenais la voiture, je prenais des rendez-vous, je consultais l'agenda, j'allais aux rendez-vous, j'avais le nez dans les livres et puis aussi dans les papiers, dans les cahiers d'écolier, dans la machine à laver, dans le chariot du supermarché. J'avais oublié de regarder. Pendant tout ce temps, ce temps assoupi dans  le long hiver, la sève s'étirait dans les branches noires, les pétales se défroissaient, les mésanges se courtisaient, les graines se dépliaient, un autre monde vivait. Cet après-midi là, j'ai regardé le ciel par la fenêtre. Je l'ai trouvé beau. Indifférent à mon absence. Indulgent à mon indifférence. Il s'en foutait que je le regarde. Il était là de toutes façons. Il était là depuis longtemps, des milliers, des milliers d'années. Et ce jour là, si beau. Si lumineux, derrière les nuages sombres. Et tout était si immobile, silencieux. Blottie sous  la couverture, attentive pour une fois, je regardais c'est tout. Comme au temps de l'adolescence, lorsque tout vibre tellement, les couleurs, les émotions, les sons et les odeurs. Personne n'est passé sur la route. Les saules se balançaient mollement au dessus de l'étang. Des corbeaux fléchaient d'éclairs sombres le ciel laiteux. Je me suis dit que je devrais m'arrêter plus souvent. Juste pour regarder. Et puis je me suis levée.

    Marie Evin